
Dans le courant du mois de Juin 2022, est apparue une fresque sur un bâtiment de la ville d’Avignon, Mr Attali manipulant Mr Macron, sur une scène de théâtre à la façon d’un marionnettiste. Cette fresque faisant polémique, notamment sur les réseaux sociaux, elle a tout d’abord été « barbouillée » par des « jeunes » nous dit on, pour finalement être effacée sur « ordre » de la préfecture quelques jours seulement après sa réalisation, contre l’avis initial de la ville, au nom de l’antisémitisme supposément évoqué. J’ai donc souhaité répondre à un avis sincère, intelligent, publié sur les réseaux sociaux et diamétralement opposé au mien. Je tiens à rajouter à cette présentation, que ma réponse fut formulée sous la forme d’une lettre envoyée par mail, et qu’il me fut permis de publier ma réponse en commentaire sous sa publication, proposition que j’ai déclinée, de peur d’alimenter les passions me dois je de le reconnaitre. J’explique ceci pour souligner l’intégrité et le courage de l’autrice, expliquant par là que nous pouvons avoir des points de vue totalement opposés, et envisager sereinement la contradiction, avec respect.
Passer du temps court, spontané de l’émotionnel, au temps long, réfléchi de l’esprit…
Lien de la vidéo:
https://www.facebook.com/712878762/videos/1353870985102223/
Ma réponse:
Le 01/07/2022
J’aurais donc souhaité répondre à cette vidéo, n’étant pas du tout d’accord avec l’argumentaire développé, mais j’aurais aimé pouvoir le faire dans un climat serein, de critique constructive, ou l’on peut ne pas être d’accord, dans le respect et la bienveillance.
De ce fait, je ne défends aucune étiquette politique, ni religieuse d’ailleurs, je suis juste une personne lambda, pas vraiment d’accord avec la démonstration, et qui souhaiterais pouvoir le dire. Sur le fond donc :
– « Les images sont porteuses de sens, et c’est la réception qui compte ».
Tout d’abord si c’est la « réception » qui compte, je vois au moins un exemple ou je suis totalement en désaccord avec cette affirmation. C’est évidement L’affaire Charlie Hebdo. Si c’est la réception qui compte, alors pourquoi les caricatures de Mahomet, qui ont choqué le monde musulman (et pas seulement les intégristes), on parle de centaines de millions d’individus tout de même, n’ont-elles pas étés censurées. Je retourne donc la question, et je me mets à la place d’un musulman qui nous dirait « c’est la réception qui compte ». De mon point de vue, la liberté d’expression c’est justement ce droit qui nous permet de nous inscrire « au delà de » la réception, et de pouvoir s’exprimer « à l’encontre » de l’idéologie dite dominante. La liberté d’expression, c’est cet outil qui permet justement de depasser la seule réception. Je ne pense donc pas que ce soit la réception qui compte, car en définitive, la réception n’est qu’affaire de perception. Pour moi, le concept de liberté d’expression est le contraire de l’affirmation « c’est la réception qui compte ». La liberté d’expression, malgré la « réception », garantit en quelque sorte l’expression d’une pensée marginale. En rapport avec Charlie, leur pensée est marginale au regard du monde musulman, et la liberté d’expression garantit cette possibilité de pouvoir le dire, de véhiculer une pensée autre. (Je parle de la pensée politique de Charlie le fait que ce soit drôle ou non, est pour moi un autre débat.)
– « Et ça renvoie à une représentation antisémite, (…) car Jacques Attali est d’origine juive »
Ce dessin renvoie à une representation antisémite, est de mon point de vue, purement subjectif, donc, non valide, à légitimer la censure. En effet, je ne suis pas vraiment versé dans l’iconographie antisémite, mais je suis plutôt un littéraire. Et pour moi, ce dessin fait référence explicitement à Pinocchio, manipulé par Gepetto. La réf pour moi, est avant tout littéraire, sur toile de fond de moquerie en rapport avec le théâtre (Avignon et son festival) , et notre président comme une marionnette, manipulée. Le fait de considérer Attali, avant tout comme un juif, est un parti pris, mais c’est surtout méconnaitre toutes ses casquettes. Attali, c’est un écrivain, un chef d’entreprise, un économiste, et un haut fonctionnaire français. (wikipedia) Je rajouterai, que c’est aussi un penseur d’une certaine gauche socialiste ET mondialiste (je renvoie par exemple à son livre Tous ruinés dans dix ans ?) Attali, c’est donc une pensée, un projet de société bien précis, mais aussi un conseiller plus ou moins officieux de plusieurs chefs d’états français (au moins Mitterrand et Hollande). Ce dessin donc, pour ma part, renvoie à Macron comme pantin d’une certaine idée de mondialisation, représentée par Attali. En l’occurrence, dans ce dessin, Attali est le représentant d’une élite mondialisée, avec une idée bien précise de notre avenir. Le fait qu’il soit juif, n’a rien à voir à mon sens. Mais quand bien même devrions nous mettre l’accent sur la judéité, un accent basé sur une interprétation malveillante, Il est du domaine public qu’avant d’être président, Macron travaillait dans la banque, et pas n’importe laquelle, mais la banque Rothschild. Perso, pour moi, Attali n’a aucun lien avec la banque, si ce n’est sa judéité. Mais il est un fait, et de son aveu même puisque la phrase lui est attribué, Macron se considérait comme une « p..e » qui devait séduire ses clients. Ainsi, et si l’on devait souscrire a tout ses raccourcis, ne peut-on pas légitimement se poser la question de savoir si Macron n’est pas la marionnette de certains intérêts qui ne sont pas forcément ceux des couches populaires. Voyez-vous, de mettre l’accent sur le côté « antisémite » de ce dessin, m’apparait comme très grave, car au nom de cette accusation, c’est étouffer la question de fond qu’il soulève, et de la sorte, tenter d’esquiver le débat. Je vais être franc, dénoncer l’antisémitisme d’un dessin, par le seul fait qu’Attali soit juif, est pour moi tout à fait incohérent. Car par cette voix, sa judéité le rendrait comme « intouchable ». Or je ne suis pas certain que cela soit tout à fait légal.
En effet, s’il avait été représenté avec un nez crochu par exemple, là j’aurais été d’accord avec vous, car la moquerie aurait concerné sa judéité, mais ici ça n’est pas le cas.
Nous avons à faire a un dessin, politique, qui soutient l’idée que Macron serait manipulé par des intérêts « mondialiste », ce qui va, à l’encontre de l’idéologie dominante. Quelle loi interdit de l’affirmer ?
J’aurais été d’accord avec vous, si vous aviez utilisé l’adjectif de complotiste par exemple. Or je ne crois pas (mais je n’en suis pas certain), que le qualificatif de « complotiste » tombe sous le coup de la loi.
Il est donc facile de parler d’antisémitisme, car ainsi, il est plus aisé d’interdire le propos.
-« c’est un dessin antisémite qui n’accentue pas le réel, qui le transforme et qui invente des choses pour dénoncer, pour manipuler »
De mon point de vue, il ne s’agit ni d’accentuer, ni de transformer le réel, mais bel et bien de se questionner sur qui détient réellement le pouvoir. Or je trouve le choix d’Attali particulièrement pertinent, car justement, il se trouve à des années lumières de positions sionistes, ou « pro juives », a des années lumières du monde de la banque aussi, mais est reconnu pour etre un intellectuel de gauche, d’une certaine idée de la gauche socialiste, de celle qui s’est fait battre aux dernières élections (et qui selon ce dessin se trouverait toujours aux manettes).
Il n’invente pas le réel, mais donne un point de vue.
On peut ne pas être d’accord avec ce dernier, mais je ne vois pas en quoi poser la question serait « illégal ». Tout ceci finalement nous renvoie à la fonction de l’art, et à l’engagement. Lorsque Charlie Hebdo apres les attentats, sort son dessin avec le prophète qui dit « c’est dur d’être aimé par des cons », il embrase le monde musulman, avec des émeutes dans certains pays, et des morts. Charlie est il responsable de la division et de la haine occasionnée? Je pense que non. L’artiste prend position, porte un message, mais à mon sens, n’est pas responsable de la récupération qui pourrait être faite de son œuvre. Son rôle, c’est de faire bouger les lignes, d’interroger, et si l’extrémisme, l’intolérance, la violence même, s’empare du sujet, il doit être protégé justement par le concept de liberté d’expression. Effacer ce dessin au nom de la division est encore une fois, une nouvelle défaite pour ce concept (encore plus dans nos « démocraties »). D’ailleurs, faire le parallèle entre dénonciation et manipulation, s’avère très dangereux. Ce qui est amusant d’ailleurs, puisque est taxé de manipulation un dessin qui justement, tend a dénoncer la manipulation. Une façon de dire « c’est celui qui dit qui est », qui, en terme d’argumentation, m’apparait comme un peu « léger ». Plus sérieusement, Snowden, qui dénonce, est-il un manipulateur ?
-« la liberté est encadrée par la loi, qui fixe des limites »
Peut on encore parler de liberté, si elle est encadrée, limitée. Vaste question, philosophique. Cependant, effectivement, en ce qui concerne la liberté d’expression, il y a la loi. Je pose donc la question :
Si dans ce dessin, le simple fait d’être juif suffit à brandir l’étendard d’antisémitisme, doit on bannir tout les sujets du moment qu’ils sont identifiés à cette religion ? En extrapolant, tomberons-nous sous le coup de la loi, si dans le dessin, le manipulateur est le pape, ou le prophète Mahomet, du simple fait de leur appartenance à une religion ? (Si Xi Jiping avait été représenté, manipulant Poutine, est ce que cela aurait été raciste?)
Du coup, et pour en revenir à notre sujet, Attali a toujours fait partis de cercles d’influence. Il le reconnait d’ailleurs lui même, et je ne vois aucun problème à cela. De ce fait, se positionner et dire qu’Attali influence, au point de manipuler le président, je ne vois pas où se trouve la diffamation, l’injure. D’ailleurs, je serais intéressé de savoir si Attali a porté plainte contre ce dessin, et si oui, les motivations d’une cour de justice pour interdire.
– « ce n’est pas un dessin qui est paru dans un magazine dédié à ça (…) mais sur les murs d’une ville »
Maintenant, la question du support. Un peu comme s’il y avait des lieux « autorisés » à la propagation d’une idée, et d’autre non. Si je comprends bien, le support serait une forme de légitimité du propos.
Pour ma part, la question du support, renvoie au concept de « la parole autorisée ». Un exemple, lorsqu’à Marseille, une effigie géante de Zidane est érigée, aucune question se pose, puisque de tout évidence, il s’agit d’une pensée « autorisée ». J’en dirai de même pour Miss Tic par exemple. Dans ses deux cas, le propos est en accord avec la pensée dominante, et là, aucun problème ne se pose. C’est quand le propos devie de la pensée dominante que la question du support se pose. Un peu comme si une pensée partagée par toutes et tous pouvait s’exprimer partout, mais que du moment que l’idée est marginale, elle ne devrait s’exprimer que dans les lieux autorisés.
Et je trouve cela assez grave, un peu comme une police de la pensée. N’est-ce pas Voltaire qui disait (de mémoire) « je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez l’exprimer ». Ce que je veux dire, c’est que même si le propos me dérange, et dérange la « majorité », devons-nous l’effacer, un peu comme on mettrai la poussière sous le tapis ? Et en l’effaçant de la sorte, avons-nous fait taire cette idée ? Je pense pour ma part, que ne pas l’effacer aurait été une force de notre « démocratie », et que l’effacer démontre toute sa faiblesse. Ses deux personnages sont des personnages publics, et donc sujets à
la critique. Que cette critique s’exprime dans des médias « autorisés » ou non m’importe peu. Ce qui compte, de mon point de vue, c’est de faire vivre le débat, or la censure, au motif sous-jacent du support, n’est qu’une affirmation du pouvoir de la pensée dominante au détriment de celles et ceux, qui pensent juste différemment, et renvoie à l’interdiction de cette pensée.